
Photo : Anthony Daniel
Il y a ces sujets perdus, et ces sujets à venir : des corps abandonnés, aux paupières fermées, rayés par le passage des sourires, des inquiétudes, des maladies ; des corps en amorces, embryons de consciences, où les visages ne portent que la possibilité de devenir expressifs des mouvements de l’âme.
Les traits du masque sont tendus par des grimaces comme autant d’acrobaties du visage : joues comme des noeuds, bouches convulsées, mentons protubérants, nez plissés, sourcils aiguisés comme le sommet des cathédrales. Le masque concentre l’apparence de la vie, mais sans fin car sans durée. Et comme pour toute apparence, il n’est pas question d’une perte ou d’une naissance prochaine, mais d’un doute : dans l’obscurité de ces orbites béantes, dans ces bouches qui s’ouvrent sur un vide, y a-t-il un regard tapi, une voix qui peut nous répondre?
Si le visage est toujours baigné par le halo du regard qui se répand sur tous les traits, alors le masque n’est pas un visage.
Si un regard se tient sous le masque, alors celui-ci erre, fantomatique, sans jamais pouvoir appartenir au monde où il apparaît. Un regard ou un rien.
Ces dessins cherchent à trouver dans les mots et les images les ressources pour dire ce qu’il advient du regard quand celui-ci perd le lieu pour se faire voir.
Poudre de graphite et aquarelle sur papier, dimensions variable (6 x 7 cm - 11 x 12 cm), 2019.
Avec des poèmes d'István Fazakas
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tu étais presque et le monde aussi avec toi et ton regard et ton souffle chaud qui porte les mots comme le vent les oiseaux et dans tes mots moi aussi presque j’étais moi
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et de nouveau ton approche s’éclate en tempête noire doucement les gouffres de tes yeux s’abîment longés d’écumes ce blanc silence où le poids des mots perd le sol
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naviguer encore ce silence qui remue comme un passé comme si parcourir les traits et les mots cachait la promesse d’un naufrage regard flottant sur le bleu de la matière
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écrire sous la peau de ton visage le jadis des mots le soupir quand tu respires sans bruit et presque sans prendre de l’air presque sans vivre et pourtant muet comme les vivants
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des yeux qui baillent et le silence tombe goutte de rien opaque il devient la peau de ton visage sans histoires des rides vides de temps dessinent ce pli où peut-être tu te caches pour regarder
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le temps fabrique des masques il travaille avec du plomb il rend les corps lourds il travaille il fabrique cadavres de temps souvenirs des masques corps lourds de plomb
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dans sa bouche sans langue un cri s'avorte cela rend lourd le silence les mots se dessèchent et parfois quand on marche dessus ils bourdonnent souffrance tue d'un masque qui veut devenir visage
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il faut maintenant dis-tu retourner la peau du visage et la porter comme un masque l’infini d’or des yeux craque le crépuscule fait de nous des ombres de rien
tu étais presque
et le monde aussi avec
toi et ton regard
et ton souffle chaud
qui porte les mots comme
le vent les oiseaux
et dans tes mots moi aussi
presque j’étais moi
et de nouveau ton
approche s’éclate en
tempête noire
doucement les gouffres
de tes yeux s’abîment
longés d’écumes
ce blanc silence où le
poids des mots perd le sol
naviguer encore
ce silence qui remue
comme un passé
comme si parcourir
les traits et les mots cachait
la promesse d’un
naufrage regard flottant
sur le bleu de la matière
écrire sous la peau
de ton visage le jadis
des mots le soupir
quand tu respires
sans bruit et presque sans
prendre de l’air
presque sans vivre et pourtant
muet comme les vivants
des yeux qui baillent
et le silence tombe
goutte de rien opaque
il devient la peau
de ton visage sans histoires
des rides vides de temps
dessinent ce pli où peut-être
tu te caches pour regarder
le temps fabrique
des masques il travaille
avec du plomb il
rend les corps lourds il
travaille il fabrique
cadavres de temps
souvenirs des masques
corps lourds de plomb
dans sa bouche sans langue
un cri s'avorte cela
rend lourd le silence
les mots se dessèchent
et parfois quand on marche
dessus ils bourdonnent
souffrance tue d'un masque
qui veut devenir visage
il faut maintenant
dis-tu retourner la peau
du visage et
la porter comme
un masque l’infini d’or
des yeux craque
le crépuscule fait de nous
des ombres de rien